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Associé dans l’imaginaire collectif aux vacances et à la réussite sociale, synonyme de bonne mine et de vitalité, le bronzage est encore valorisé et recherché par une majorité de français. Pourtant depuis les années ’90 et les progrès scientifiques réalisés en dermatologie, on connait ses dangers. L’exposition prolongée au soleil est devenue une véritable question de santé publique. Alors comment expliquer sa popularité quasi constante ? Nous survolerons tout d’abord l’histoire du bronzage en France pour prendre conscience de sa démocratisation au fil du temps. Nous verrons que si les mentalités ont évolué depuis une trentaine d’année, les normes sociales et esthétiques liées au bronzage restent bien ancrées !
Un peu d’histoire ...
Jusqu’au début du XXe siècle, la peau pâle était l’apanage des classes supérieures. Elle indiquait qu’on menait une vie à l’abri du soleil, à l’intérieur des maisons ou des salons aristocratiques. En revanche, une peau hâlée évoquait le travail en extérieur, souvent agricole, et donc une appartenance aux classes populaires. Les femmes de la haute société utilisaient des ombrelles, des gants, des chapeaux à larges bords, voire des poudres blanchissantes pour préserver leur teint diaphane. Le bronzage était alors considéré comme inesthétique et socialement dévalorisant. Un tournant s’opère cependant dans les années 1920. La couturière Coco Chanel, après avoir pris un coup de soleil sur la Côte d’Azur, revient bronzée à Paris. L’image d’une femme libre, élégante et moderne affichant fièrement un teint doré fait sensation. Très vite, le bronzage devient tendance, associé au loisir, à l’émancipation féminine et à l’oisiveté chic des vacances balnéaires. Dans le même temps, les congés payés instaurés en France en 1936 favorisent les départs vers la mer et popularisent l’exposition au soleil. Le bronzage se démocratise et devient un signe de bien-être, voire de santé, dans un contexte où l’héliothérapie (utilisation du soleil à des fins médicales) gagne du terrain. Entre les années 1950 et 1980, le bronzage est à son apogée. Les magazines de mode et les publicités valorisent le teint hâlé. Les stars de cinéma, comme Brigitte Bardot à Saint-Tropez, incarnent l’image de la femme bronzée, libre et sensuelle. Le développement des stations balnéaires, des transats, des maillots de bain échancrés et des produits solaires renforce encore cette tendance. Le bronzage devient même une obsession estivale. Des cabines UV apparaissent pour maintenir une peau bronzée toute l’année, et des huiles solaires sans protection sont largement utilisées pour « griller » plus rapidement.
Le tournant des années ’90 : retour critique et conscience des risques
Le bronzage est une réaction de défense de la peau face aux rayons ultraviolets (UV). Lorsqu’on s’expose au soleil, les cellules de la peau produisent de la mélanine, un pigment qui absorbe les UV pour protéger l’ADN des cellules. Mais cette protection naturelle est limitée. Une exposition excessive, répétée ou mal protégée provoque des dégâts parfois irréversibles. À partir des années 1990, la science met en lumière les dangers de l’exposition excessive au soleil : outre le vieillissement prématuré de la peau, l’affaiblissement du système immunitaire ou le risque oculaire, elle favorise l’émergence de cancers de la peau. Le mélanome est le plus redouté de tous. Le mélanome malin peut apparaître des années après des coups de soleil répétés, notamment durant l’enfance ou l’adolescence. Il progresse rapidement et peut être mortel s’il n’est pas traité à temps. D’autres cancers cutanés existent comme le carcinome basocellulaire (le plus fréquent, mais rarement grave) ou le carcinome spinocellulaire (plus agressif). Les dermatologues et le gouvernement lancent donc des campagnes de prévention. Une partie de la population devient ainsi plus raisonnable et adopte les bons gestes : protection 50 +, t-shirt anti-UV, chapeau et pause entre 12h et 16h …
Une grande ambivalence face aux dangers du soleil
Le bronzage reste cependant très populaire auprès des Français. Une étude de 2021 publiée par La Fédération des Entreprises de la Beauté révèle que si 79% des Français utilisent une protection solaire, 20% seulement n’en appliquent qu’une seule fois dans la journée, ce qui est très insuffisant, et 19% s’en passent totalement. Soit au total, près de 40% des Français qui n’utilisent pas assez ou pas du tout de protection solaire. Comment expliquer ce phénomène malgré toutes les campagnes de prévention ? Il faut prendre en compte la prévalence des normes esthétiques et culturelles, le bronzage étant souvent associé à plusieurs idéaux. La beauté tout d’abord : un teint hâlé est perçu comme plus attirant dans de nombreuses cultures. Le bronzage "sculpte" visuellement le corps, donne un effet bonne mine, et met en valeur les courbes. La santé ensuite : on assimile souvent le bronzage à une personne active et par extension à un corps sain. Dernier idéal enfin, le statut social : avoir la peau bronzée signifie qu’on a les moyens de partir en vacances au soleil. L’influence des médias et des réseaux sociaux n’est pas non plus à négliger. Les publicités, films, influenceurs et célébrités valorisent souvent les peaux bronzées. Les filtres et retouches photo participent aussi à ce phénomène. Enfin, le soleil est un concentré de bien-être et de plaisir immédiat. En stimulant la production d’endorphines, il procure une sensation de bien-être ; associé aux vacances, il incarne la détente et évince le poids du quotidien et de la routine.
Et vous, quel rapport entretenez-vous avec le bronzage ? Est-il un atout séduction ? Vos témoignages nous intéressent !
Photo © Adobe – Auteur : verona_studio
charlotte4575, 17.07.2025